Les serviteurs de la démocratie

MIRABEAU 69

à devenir l'élu de la noblesse. Les’hobereaux de la Provence accueillirent avec mépris ce gentilhomme, qui avait plus de génie que de fiefs. Mirabeau les foudroya de son éloquence, et se tournant vers le Tiers État, il ambitionna l'honneur de le représenter. Il fut, à cette occasion, attaqué avec une sorte de frénésie. On l’insulta, ‘on le calomnia, on l’accusa de tous les vices et de tous les crimes. À bout d’injures, on le déclara enragé. Il répliqua spirituellement : « Si je suis enragé, c'est un titre de plus pour être élu : les privilèges mourront de mes morsures. » é

Malgré ces attaques, ou peut-être même à cause de ces attaques, Mirabeau fut élu à la fois à Aïx et à Marseille. Il opta pour Aix, en alléguant, avec une modestie peu commune, qu'il n'avait pas les connaissances commerciales nécessaires à un représentant de Marseille.

Les discours que Mirabeau avait prononcés pendant la période électorale méritent de rester au nombre des chefs-d’œuvré oratoires de notre temps et de tous les temps. Un de ces discours se termine par cette phrase restée fameuse: « Les privilèges passeront, mais le peuple est éternel. »

Lors de l'ouverture , des États généraux, Mirabeau était de tous les députés celui qui attirait le plus la curiosité de la foule. Quand on l’entendit parler, cette curiosité fit place à l'admiration. Suivant la très éloquente expression d'Edgar Quinet: « Mirabeauïdès qu’il se leva parut immortel. » A la tribune il n'avait pas de rival. Pour trouver à qui le comparer, il fallait évoquer l'image de ces grands £morts : Cicéron et Démosthènes, dont il déclamait les discours dans son enfance. Il avait la majesté oratoire, la promptitude foudroyante de la réplique; le don de saisir et d’em-