Louis XVI et la Révolution

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de tendresse lui prodiguer : « Il était ravi, dit M®° Campan : jamais on n’a pu voir d'époux plus unis et plus heureux. Le caractère de Louis XVI était tout à fait changé; prévenant, soumis, il avait subi le joug de l'amour. » Lui qui déteste se coucher tard, il improvise un bal masqué où figurent les ministres, déguisés, Maurepas en Cupidon, Sartine en Neptune ; Vergennes personnifie la Géographie. Le roi assiste aux bals, qui l’ennuient : il y danse même, et veille jusqu'à trois heures et demie, ce qui est pour lui de l’héroïsme. Il ne refuse plus rien à la reine : lui qui déteste le jeu, il joue au pharaon, pour complaire à la passion de Marie-Antoinette : « C'était, écrit Mercy à Marie-Thérèse, une des plus grandes marques de complaisance qu'il pût donner à son auguste épouse, et il n’est point à craindre que ce début tourne en habitude. Elle serait dangereuse et nuisible, parce que le Roi n’est point beau joueur, et que ses impatiences entraîneraient de fâcheux éclats. » Le dévouement de Louis XVI n’en est que plus méritoire. Très économe pour lui-même, il paye les dettes de la reine à première réquisition. Sur un simple mot qu'elle daigne lui en dire, il fixe les appointements de la surintendante, Me de Lamballe, à cinquante mille écus. Enfin ce modèle des maris aime l’amie de sa femme, M" de Polignac, par cela seul qu’elle est la favorite.

Merey, qui a tout fait pour que Marie-Antoinette subjugue Louis XVI, finit par reconnaître les inconvénients de son système : « Cette complaisance, écrit-il à Marie-Thérèse, cette complaisance du Roi, qui s'étend à tout, est infiniment fâcheuse, parce qu’elle ôte tout moyen de détourner la Reine des objets qui ne peuvent pas convenir à son vrai bien. » Cette faiblesse lui paraît excessive. Nous sommes tout à fait de son avis, surtout pour les questions de politique étrangère. On éprouve en effet, malgré la distance, comme une secrète irritation à voir Louis XVI résister d’abord, mais peu longtemps, puis se laisser tellement dominer par sa femme, que,