Louis XVI et la Révolution

32 LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

14 juillet 1790, on remarque que pendant toute la cérémonie Louis XVI s'étend paresseusement dans son fauteuil, et l’on prend pour une nonchalance indécente ce qui n’est probablement qu’une somnolence. Dans un lit de justice, on l’a vu dormir pendant une bonne partie de la séance. Ce sommeil, il est vrai, est quelquefois une ruse : dans la chambre du conseil, quand il est embarrassé, le roi fait semblant de s’assoupir. Cette dissimulation n’a rien de bien royal. Aussi jamais prince n’eût-il auprès de la cour moins de prestige personnel. Dauphin, « il n’était compté pour rien par qui que ce fût », dit Besenval. Roi, on le brave en face. En plein Parlement le duc d'Orléans lui-même lui tient tête. Ses fonctionnaires se permettent envers lui des facéties si grossières, qu'elles paraissent invraisemblables. On a peine à croire l’auteur de la Correspondance secrète, lorsqu'il parle, le 13 juillet 1788, de « certains louis frappés, il y a trois ans, dans les ténèbres, et portant sur le front de l'empreinte le symbole de l'infidélité et de la calomnie ». Mais il faut bien s’en rapporter au témoignage irrécusable de la baronne d’Oberkirch, qui affirme le fait : à la monnaie de Strasbourg, au moment de l'affaire du collier, on frappa des louis « avec une insultante et infâme altération ». Ses domestiques mêmes à la fin ne le respectent plus : un jour, raconte Besenval, « un valet de pied se place familièrement entre ce prince et moi pour voir ce qu'il écrivait. Le Roi se retourne, aperçoit l’insolent, et court se saisir des pincettes. » La majesté royale était si avilie dans la personne de Louis XVI, qu'un grenadier disait à La Fayette, en octobre 1789 : « Allons à Versailles, on dit que le Roi est un imbécile, nous placerons la couronne sur la tête de son fils. » Le mal est général, et Bouillé est obligé de le reconnaitre : « Les causes de l’aliénation de l’armée et de son dévouement à la nation sont l'opinion des soldats sur la nullité du Roi. » Ce n’est pas qu’on le haïsse, au contraire; mais l'affection qu’on lui porte n’est pas respectueuse. En janvier 1790, Gou-