Louis XVI et la Révolution

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fait et défait les ministres, pour satisfaire ses caprices, ou pour obéir aux suggestions de ses amis.

En fin de compte, le comte de Mercy-Argenteau triomphe dans ses projets, si l’on s’en tient à la première apparence. La cour n’a d'yeux que pour la reine. A elle le prestige, les hommages. Le roi ne compte plus. Du reste, Marie-Antoinette ne néglige aucune occasion de montrer le peu de cas qu’elle fait de son mari. Elle le trouve rustaud et de mauvaises manières ; elle souligne ses disgrâces, ou admire plus ironiquement encore ses progrès. Un jour il salue le cercle un peu moins gauchement que d'habitude, et la reine de s’écrier : « Convenez, Mesdames, que pour un enfant mal élevé, le Roi vient de vous saluer avec de très bonnes manières. » Rendre le roi ridicule n’est pas pour effrayer Marie-Antoinette. Quand elle veut se débarrasser de lui, elle l'envoie se coucher plus tôt que d'habitude, en avançant l'aiguille de la pendule. Quelquefois même ses plaisanteries sont plus graves, et compromettent l'honneur conjugal : la reine va, dans une conversation, jusqu’à souhaiter que le roi prenne « quelque inclination momentanée et passagère, attendu qu'il pourrait acquérir par là plus de ressort et d'énergie ». Par la façon dont elle parle du roi en plein Versailles, on peut juger du ton de ses lettres intimes. Quand elle écrit à son frère Joseph IF, elle plaide, d’un ton dédaigneux, les circonstances atténuantes pour la gaucherie de son mari. Elle le déclare « incapable de discussion », et insiste sur la faiblesse, sur l’indécision de son caractère. Avec sa mère, elle se surveille un peu davantage; et pourtant on sent toujours le persiflage, même pour des sujets sérieux, comme l’inoculation du roi : «Il n’aura pas beaucoup de boutons; il en à au nez de fort remarquables. » Elle le juge, et de très haut : « En tout il a autant d'envie que de besoin de s’instruire; j'espère que Dieu bénira sa bonne volonté. » Elle n’est guère fière de son royal époux, elle excuse de mauvaise grâce auprès de Marie-Thérèse, les disgrâces du pauvre prince, « vu