Louis XVI et la Révolution

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sa timidité et embarras naturels ». Plus tard elle voit sa faute, elle comprend qu’elle ne doit desservir le roi auprès de personne, même auprès de sa mère. Dans sa lettre du 17 juillet 1778, par exemple, Mercy expose à Marie-Thérèse les scrupules nouveaux et très honorables de Marie-Antoinette sur ce point : « La Reine me demanda sous quelle forme elle pourrait rendre compte à Votre Majesté de ses dernières conversations avec le Roi. Je répondis qu'il n’y avait qu’une seule manière, et que c'était d'exposer bien exactement tout ce qui s'était passé; mais la Reine m'’objecta qu’elle répugnerait un peu à faire voir à Votre Majesté Jusqu'à quel point le Roi s’est laissé subjuguer par son principal ministre, et qu’elle avait peine à parler de cette faiblesse de son auguste époux, » Marie-Antoinette fera même mieux : elle rendra un jour justice aux qualités peu brillantes, mais solides, du cœur de son mari ; après l’interrogatoire du cardinal de Rohan, elle écrira : « Jai été réellement touchée de la raison et de la fermeté que le Roi a mises dans cette rude séance. » Mais tout cela viendra plus tard, et trop tard : le mal est fait. En lui rendant son estime, Marie-Antoinette ne rendra pas à Louis XVI le prestige qu’elle a Contribué pour sa bonne part à lui enlever : elle ne réparera pas le tort qu’elle lui a fait. Il faut lire la lettre du 17 août 1775 à Rosemberg, lettre dans laquelle, raillant le goût du roi pour la serrurerie, la Reine ne craint pas de dire à un jeune homme : « Vous conviendrez que J'aurais assez mauvaise grâce auprès d’une forge; je n’y serais pas Vulcain, et le rôle de Vénus pourrait lui déplaire beaucoup plus que mes goûts. » Cette plaisanterie un peu embrouillée ne lui suffit pas : elle ajoute qu’elle a fort joliment dupé son mari, « le pauvre homme »! — « Quel style, quelle façon de penser, s’écrie Marie-Thérèse confondue, après avoir lu cette lettre que Rosemberg lui a communiquée. Cela ne confirme que trop mes inquiétudes; elle court à grands pas à sa ruine, trop heureuse encore si, en se perdant, elle conserve les vertus de