Louis XVI et la Révolution

MARIE-ANTOINETTE. LA

son rang. Je vois avec regret qu'en continuant sur le même pied ma fille ne peut manquer d'accélérer sa perte. » Il y a quelque chose de prophétique dans ces paroles. C'était sa perte que Marie-Antoinette préparait ainsi, et du coup celle de son mari. Elle devait lui nuire d’abord par sa popularité, ensuite-et surtout par son impopularité.

La popularité de Marie-Antoinette à ses débuts, ou plutôt l’engoûment momentané du public pour elle, tient à plusieurs causes, et en particulier aux incontestables qualités de son esprit et de son cœur. Elle jouissait d’une excellente mémoire, qualité indispensable chez les grands : « L'avantage qu'il y a, dit Mercy, de parler à la Reine d’objets quelconques, c’est que, par un effet de la mémoire la plus heureuse, elle n'oublie jamais rien de ce qu’elle a entendu. » Elle avait en outre beaucoup d'esprit naturel, qui s’affina encore dans cette exquise société où les grands seigneurs montraient autant d’esprit que les Rivarol et les Champfort. Elle avait surtout le talent de trouver ces mots populaires qui se répètent, et font quelquefois plus pour des souverains que de bonnes actions. À son arrivée en France, à Strasbourg, on lui adresse un discours en allemand; elle interrompt l’orateur : « Ne parlez point allemand, Messieurs; à partir d'aujourd'hui, je n’entends plus d’autre langue que le français. » Plus tard elle imagine mieux encore, sur le même thème : à la baronne d’Oberkirch qui, sur son ordre, vient de lui dire quelques mots dans sa langue maternelle, elle répond : « C’est une belle langue que l’allemand ; mais le français ! il me semble, dans la bouche de mes enfants, l’idiome le plus doux de l’univers! » Elle sait trouver les plus justes paroles pour traduire sa pensée : toute jeune encore, débutant à la cour, elle adresse au duc de la Vrillière une petite mercuriale pleine de tact et de dignité. De plus elle a un grand mérite, rare dans la famille royale : elle n’a pas besoin qu’on lui souffle ses réponses. La duchesse de Tourzel raconte que le garde des sceaux lui avait apporté le modèle d’un discours