Louis XVI et la Révolution

MARIE-ANTOINETTE. 43

toute féminine. Marie-Antoinette cherche à se rendre utile dans l'intimité de la famille royale; elle traite humainement les dames de la cour, allant par exemple consoler une mère qui vient de perdre son fils unique. Elle s’humanise même avec les gens de son service, ne dédaignant pas de s'intéresser aux accidents de ses postillons. À la surprise et aussi à l’admiration générale, elle refuse, à la chasse, de traverser un champ de blé pour assister à l’hallaii. Une autre fois elle s’empresse auprès d’un paysan blessé par un cerf, et fait monter la femme du malheureux dans sa voiture. Même au début de la Révolution, elle se montre peu vindicative; à la Commune de Paris qui lui demande son témoignage sur les 5 et 6 octobre, elle répond : « Non, jamais je ne serai la délatrice des sujets du Roi. » Quand une députation du Châtelet vient l’interroger sur le même objet : « J'ai tout vu, réplique-t-elle, tout su, et tout oublié. »

Cette réelle bonté était encore relevée par un charme, une séduction incomparables. Marie-Thérèse reconnaissait le pouvoir irrésistible de sa fille : « Vous avez, lui écrivait-elle, quelque chose de si touchant dans toute votre personne, qu’on a peine à vous refuser. » C’est à peu près ce que dit la grondeuse comtesse de la Marck, qui constate presque à son corps défendant que la dauphine a « une grâce et un agrément dans toute sa personne, qui n’appartiennent qu’à elle. » Suivant un mot de la baronne d'Oberkirch, Marie-Antoinette appelle les cœurs. Les femmes mêmes sont conquises. Quant aux hommes, tous sont séduits. La reine excite des passions, en tout bien tout honneur. Chez un vieux conseiller au parlement de Bordeaux cela tourne à la monomanie. Il guette partout la reine, dans la galerie de Versailles, à la chapelle : quand il entend ses voitures, il se précipite au bas des escaliers. Lorsqu'elle est à Trianon, il fait le tour du jardin, par tous les temps, marchant sur le bord des fossés. On l’a surnommé « l’amoureux de la Reine. » Combien partagent sa folie douce! Le peuple, qui se rassemble sur le passage de Marie-Antoinette, paraît, dit Mercy,