Louis XVI et la Révolution

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constatait elle-même que sauf la lecture, sa fille n'avait « aucun acquis, ni la musique, ni le dessin, ni la danse, peinture et autres sciences agréables ». — « Elle ne sait rien », écrit-elle tout uniment à son ambassadeur. Ce qui prouve peut-être encore mieux cette parfaite ignorance, c’est la défiance de la reine pour les femmes instruites. Elle écarte la duchesse de Duras, dit M" Campan : « son esprit et son savoir lui faisaient peur. » Quand elle est obligée de recevoir l’archiduchesse de Russie « instruite, et le faisant connaître peutêtre avec trop de confiance », Marie-Antoinette est tout intimidée : elle est obligée de boire un verre d’eau pour se remettre, et avoue « qu’elle vient d’éprouver que le rôle de reine est plus difficile à remplir en présence d’autres souverains, ou de princes faits pour le devenir, qu'avec des courtisans. » De là une préférence bien marquée pour les femmes ignorantes. Son adoration pour M" J. de Polignac tenait en partie à cela : « jamais pédante n’eût été son amie », disaitelle. La reine poussait l'horreur du pédantisme jusqu'aux fautes d'orthographe. Marie-Thérèse s’en désole, le bon Mercy s'efforce de les expliquer, et l’abbé de Vermond tâche de les corriger. Cet abbé était le lecteur officieux de la reine; son poste était une sinécure, Marie-Antoinette détestant les lectures sérieuses. En revanche, elle aimait assez les livres un peu grivois, au grand scandale de son frère qui, dans le Guide moral qu’il avait composé pour la reine, disait en propres termes : « Que la lecture des mauvais livres soit bannie de chez vous. Oubliez et évitez de parler ou laisser entrevoir à jamais les saloperies dont vous vous êtes remplie l’imagination par ces lectures. » On peut voir en effet, dans le PexitTrianon, de M. Desjardins, le catalogue de sa bibliothèque. On y trouverait quelques ouvrages qui justifient jusqu’à un certain point la colère de l’empereur. Esprit frivole, incapable d’application, Marie-Antoinette déteste écrire, même à Marie-Thérèse, et dit avec une naïveté que Mercy trouve charmante : « Je n’ai