Louis XVI et la Révolution

MARIE-ANTOINETTE. 49

pas une idée dans l'esprit que je ne voulusse dire à ma mère, mais l'écriture m’embarrasse ». Rester assise devant un bureau lui pèse : attacher son esprit à une conversation lui est impossible. Aussi est-elle incapable de distinguer le bon du mauvais. Elle ne recommande que deux pièces dans toute sa vie : le Connétable de Bourbon, dont on trouve la représentation inconvenante, et le Dramomane, où l’on est obligé de baisser le rideau avant la fin. Elle ne sent et ne comprend qu’une seule chose, la musique. Tout le reste lui déplaît : elle ne recherche même pas, dit Besenval, « les notions que la société peut donner; dès qu’une matière prend une couleur sérieuse, l'ennui se montre sur son visage et glace l’entretien. Sa conversation est décousue, sautillante, et voltige d'objets en objets. »

Cela n’est pas, il est vrai, entièrement sa faute. Abandonnée à elle-même pendant sept ans par l’inconcevable froideur du dauphin, ni mère, ni épouse, Marie-Antoinette se dissipe et prend des habitudes de légèreté presque incurables. Les conseils de Mercy lui causent une impatience qu’elle ne dissimule pas toujours. Pour échapper à ses reproches, elle se hâte d'agir, au risque de commettre des fautes, aimant mieux les remontrances après coup qu’une opposition respectueuse avant. Aussi commet-elle, surtout au début, des inconséquences qui compromettent sa situation. Elle fait à ses tantes les confidences les plus intimes, au grand mécontentement, de son mari. Très femme, et très peu reine, Marie-Antoinette est, d’après sa mère, une « petite maîtresse » ; d’après son frère, une coquette enfiévrée de toilette et d’amusements. Certain jour, à Paris, quittant le bal à cinq heures du matin, rentrant à Versailles à six heures et demie, elle en repart à dix heures pour assister à une course de chevaux près du Bois de Boulogne. Avant tout, elle aime à danser. Une fois installée au bal, elle laisse le roi partir quand il lui plaît, et reste jusqu’au matin. Les fêtes de la cour ne lui suffisent pas. Elle adore les bals de l'Opéra, et, tandis que le roi se morfond à Versailles,

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