Louis XVI et la Révolution

MARIE-ANTOINETTE. 53

malheur nous traitent aussi bien, nous sommes encore plus obligés de travailler à leur bonheur. Le Roï m'a paru pénétré de cette vérité; pour moi, je sais bien que je n’oublierai de ma vie (dût-elle durer cent ans) la journée du sacre. » Malheureusement l’oubli vient vite, et avec lui la frivolité. Un instant on put espérer un retour définitif de MarieAntoinette au sérieux; la maternité faillit amener un changement radical. Enceinte, la reine prononce de sages paroles, et annonce une réforme de sa conduite : « Je veux désormais vivre tout autrement que je n’ai fait. Je veux vivre en mère, nourrir mon enfant, et me consacrer à son éducation. » Mais une déception arrive : ce n’est qu'une dauphine qui vient au monde, et bientôt la légèreté reprend le dessus ; la vie mondaine reparait avec toutes ses fatigues : « C’est à cette dernière cause, écrit Mercy, que Lassone attribue les plus mauvais effets, et entre autres celui d’éloigner une grossesse. » C'était oublier ses obligations de reine. Marie-Antoinette est-elle allée plus loin, a-t-elle oublié ses devoirs de femme ? Sa légèreté a-t-elle porté sur des choses essentielles ? Rien ne permet de le supposer. D'une beauté à rendre jalouses bien des femmes, Marie-Antoinette était exposée à des calomnies qu’elle provoquait par ses imprudences. Toujours très entourée par les jeunes gens de la cour, et très familière, la déesse s’humanise, au désespoir de Mercy, qui écrit à Marie-Thérèse : « Pendant le carnaval, les répétitions continuelles des quadrilles n’ont donné aux jeunes gens que trop d'accès auprès de la Reine, et quoique la pureté de son âme la mette bien certainement au-dessus de tout danger, il reste toujours l’inconvénient de la familiarité. » Ces inconvénients étaient en effet assez graves, Car, forte de son innocence, la reine avait des audaces singulières. Pendant une rougeole, elle s’enferme dans son appartement avec quatre garde-malades, qui sont les ducs de Coigny et de Guines, le comte Esterhazy, et le baron de Besenval, surnommé le Suisse de Cythère. Encore Mercy a-t-il