Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance

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ses malheurs avaient acquis des droits sur eux, et plus ils se sont trouvés heureux d’une circonstance qui pour les intérèts mêmes de la révolution les engageait à la servir.

» La Reine n’a pu ignorer ces dispositions de leur part; elles lui ont été exprimées dans une très longue lettre; ils espéraient que par la franchise de leur langage cette confiance que la Reine leur avait marquée de son propre mouvement serait fortifiée et confirmée. Il a paru produire un effet contraire. C’est de ce moment que la correspondance de la reine est devenue plus froide et plus réservée.

» Quiconque aurait lu sa correspondance aurait pensé que, parce qu'on lui avait exprimé plus de zèle, elle aurait cru devoir exiger avec plus de rigidité. L’apparence seule d’un tel sentiment suffit pour refroidir la confiance. Il n’altère point dans des caractères fermes la puissance du devoir et la fidélité à ce qu'ils ont promis quand ils ont engagé la Reine à des démarches. Mais il refroidit, il ralentit tous les procédés qui ne peuvent jamais tenir qu'aux mouvements de l'âme, lorsque ce n’est point l'intérêt qui fait agir.

» Que la Reine veuille bien juger ceux qui en retour de ce qu’ils ont fait depuis deux mois et de ce qu'ils peuvent faire encore ne lui demandent que de les voir, de les connaître tels qu’ils sont, et d’agir en conséquence,