Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance

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que par ses ennemis, rien ne lui rappelle sa présence.

» M. de Luz, très agréable jeune homme, connu de la Reine et patriote, désirait être employé dans la garde. Il a été chez M. de Brissac qui l’a fort bien reçu, mais dit ne pouvoir s'occuper de cela sans connaître les intentions de ses parents, et il lui a à peu près fait entendre qu’il serait mieux à Coblentz. Voilà l’histoire qu’on raconte! Il y en a cent, il y en a mille comme celle-là. Ainsi s’écroulera la monarchie, qu'on relèverait aussi facilement avec des mots, des sourires, joints à une intuition claire et dont personne n'eut la possibilité de douter.

» J'ai décidé les colons! à présenter au Roi une adresse que je leur ai fait parvenir, ce qui n’est connu que de deux d’entre eux, de la discrétion desquels je suis sûr. Il est important que le gouvernement mette dans cette affaire une grande activité, soit pour le commerce et les colonies, soit pour éloigner les Soupons dont on pourrait en faire l’objet quand l’événement sera connu. Car on peut être incertain sur la nature de ce malheur, mais on ne peut douter qu'il ne soit très grave.

» L'arrivée de madame de Lamballe est une raison de plus pour engager la Reine à aller au spectacle. Il le

1. Les colons de Saint-Domingue contre lesquels s'étaient soulevés les nègres et les mulâtres. Les massacres et les dévastations dans les plantations perpétrés par ceux-ci, restés impunis, amenaient la perte de la colonie,