Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance

276 MARIE-ANTOINETTE

» Si l’on veut agir par la force, la nation fera des efforts incroyables pour résister, et quoi qu'on puisse dire, ses moyens de défense sont en tout genre très réels et très considérables. La masse de la nation, qui en peu de temps se prêterait aisément à des changements, les demanderait mème, ne consentira jamais à se les laisser imposer par la force. Le Roi lui-mème sera obligé, dans le cas d’une invasion, d'agir avec elle, soit parce qu'il ne veut ni ne doit jamais s’en séparer, soit parce qu'il ne saurait le faire sans exposer son trône et sa vie.

» Pour obtenir des succès contre la France il faudra des forces immenses et il est douteux que ces succès puissent être durables. Ces succès eux-mêmes et les efforts dont ils seraient accompagnés donneraient à toute l'Europe une secousse formidable.

» L’esprit que les armées françaises porteraient au dehors ou que les armées étrangères puiseraient au sein de la France serait tellement contagieux, les imaginations seraient partout si fortement émues, qu'il est vraisemblable que plusieurs États seront ébranlés par l'effet d’une telle commotion.

» La seconde manière de sortir de l’état de trouble où nous sommes est facile et sûre. Cest celle qui, en faisant cesser, par la rentrée des princes et des émigrés, l'agitation et les méfiances que leurs menaces entretiennent, porterait toute l'attention des Français sur leur situation intérieure. Le Roi, qu’on est