Mémoire sur la Bastille

126 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

L’exempt de la cour de France, quoique secondé par le ministre plénipotentiaire de la police de Paris, ayant échoué dans la poursuite de mes papiers, etc., à Bruxelles; un troisième adjoint envoyé à leur secours n’ayant pas d’abord mieux réussi, parce qu’il y a des lois dans ce pays, et qu’elles y sont respectées, on m’a arraché une procuration notariée qui a enfin produit une partie de ce que l’on désiroit. Si, pour pénétrer dans mes secrets et me chercher des crimes, ou s'emparer de mes dépouilles, on avoit pu, sans blesser le code de la Bastille, emprunter le ministère d’un officier public, il n’y avoit pas plus d’impossibilité, sans doute, ou de danger, à me le permettre pour régler la disposition de ce qu’on m’avoit laissé; un testament n'étoit pas plus illicite qu'une procuration.

Quand il y auroit eu contre moi une accusation, des indices, une procédure commencée, n’y ayant pas de jugement, le refus du pouvoir de tester, et par conséquent une confiscation anticipée, auroit paru une atrocité scandaleuse autant que criminelle : comment faut-il donc le regarder ou le qualifier, dans la position où j'étois, c’est-à-dire, on ne doit pas l’oublier, n’ayant ni juges, ni procès, ni délits, ni accusateurs? N'est-ce pas là le dernier abus du pouvoir, et une des plus fortes preuves de la barbarie avec laquelle on se joue à la Bastille de l'existence des citoyens ?