Mémoire sur la Bastille

LINGUET 131

titre d’accusation au moins, sur lequel la lettre de cachet a été expédiée contre lui, ne- fût grave. Il avoit eu part à des opérations délicates, et dont le succès n’avoit pas répondu aux espérances, peutêtre à ses promesses. Le ministre qui l’employoit, accoutumé par son ancien métier à regarder l’espionnage comme le plus beau champ du génie ministériel et l’arme la plus sûre d’un gouvernement, croyant mener la marine comme la police, et se flattant de maîtriser les flottes angloises comme les jeux de Paris, l’avoit-il créé son substitut dans ces flétrissantes fonctions? Avoit-il, comme on l’a cru, commis, pour doubler ses profits, une double trahison, toujours à craindre de la part de ces sortes d'agens? Chargé de commission par la France pour acheter les secrets de l'Angleterre, avoit-il vendu à l’Angleterre ceux de la France? Ou bien, son protecteur ayant mal entendu ses avis, ou, comme on l’a dit aussi, ayant eu des motifs personnels pour les négliger, avoit-il cru, à la vue des suites de son ineptie et de sa prévarication, devoir en rejeter la cause sur le subalterne, et feindre de soupçonner Pintégrité de celui-ci pour couvrir $a propre incapacité, ou pis encore? Je n’en sais rien.

Ce qui est sûr, c’est que son ancien protégé n’a connu des supplices de la Bastille que la perte de la liberté; c’est que, dès le premier moment,