Mémoire sur la Bastille

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2. P. 6. Un Condé. — A propos de ce nom, je ne puis me refuser de placer ici une anecdote tirée des Mémoires de Sully, à laquelle peut-être peu de lecteurs font attention,

Henri IV, malgré sa vieillesse et ses vertus, avoit dans ses derniers temps cédé à une passion aussi scandaleuse que ridicule : il aimoit la princesse de Condé, femme de son neveu. Il la lui avoit fait épouser dans l’espérance qu’étant jeune, dissipé et avare, on pourroit, avec des plaisirs ou de l’argent, l’aveugler sur la conduite de sa femme, Il n'en fut rien : le jeune prince ne voulut ni se distraire, ni s'enrichir ; il emmena sa femme à Bruxelles sans en avertir personne.

Cette évasion ne pouvoit être qu’approuvée des honnêtes gens : elle fut traitée dans le conseil du roi comme une affaire d'État. Tous les ministres opinèrent gravement tour à tour sur les moyens de remettre au plus vite, dans les bras du roi, une maîtresse que l’incommode époux avoit osé lui enlever. Il y avoit des opinions pour la guerre, Quand le tour du duc de Sully fut venu, il commença son avis par ces mots : « Si vous m’aviez laissé faire il y a trois mois, j’aurois mis votre homme à la Bastille, où je vous en aurois bien répondu :. »

C’étoit en plein Conseil que se tenoit ce langage! Celui qui le tenoit étoit un des plus vertueux ministres que la France ait eus, celui contre qui il le tenoit étoit un prince du sang; et le crime jugé dans ce prince du sang digne de la Bastille étoit d’avoir une jolie femme et de ne pas vouloir qu’elle fût la maîtresse de son oncle.

Lecteurs, réfléchissez.

3. P. 7. Sa description avec la mienne, — Je ne mets pas au rang des Mémoires que l’on peut consulter sur les détails de cet antre de Trophonius une Histoire de l’Inquisition françoise, par Constantin de Renneville : ce livre, devenu rare, et cher parce qu’il est rare, n’a d’intéressant et même de vrai que le titre; c’est un tissu de grossièretés dégoûtantes et de fables absurdes.

1: Je cite de mémoire; je puis me tromper sur un ou deux mots, je suis sûr de ne me tromper ni sur la chose, ni même sur la phrase. CL.)