Mémoire sur la Bastille

NOTES 143

yeux des étrangers; mais malheureusement elles la rendent encore plus accablante pour les nationaux. .

5, P. 10. Du gage apparent d'un service pur. — Tous les officiers de l’état-major à la Bastille ont la croix de SaintLouis : ceux mêmes qui n’ont jamais servi, tels que le gouverneur actuel, où qui ont servi avec un titre qui n’y donne pas de droit, tels que le major actuel. On la leur accorde par grâce et afin de leur donner apparemment un extérieur plus imposant. Cela n’a rien d'étonnant après tout, On la donne bien aujourd’hui, cette croix si longtemps respectable et respectée, à des exempts de police, C'est à M. de Sartines qu'est due cette honteuse illustration du plus lâche service que le despotisme ait jamais exigé. Si l’on prétend les justifier par l'utilité de ces emplois dans certains cas, il faudroit donc la rendre commune aux geôliers ordinaires et aux bourreaux : car enfin ce sont des hommes utiles, et certainement, aux yeux de la raison, ils sont infiniment audessus de leurs camarades bastilleurs; ils devroient être bien moins flétris dans l’opinion publique.

Ils ne sont que les ministres d’une sévérité indispensable ; ils sont officiers, et officiers nécessaires d’un pouvoir légitime; ils peuvent quelquefois exécuter des ordres injustes, mais ils obéissent toujours à la justice et aux lois. Ils sont sûrs que l’infortuné qui leur est livré a eu ou aura le moyen de se défendre ; ils sont sûrs, ou du moins doivent croire qu’un examen équitable, impartial, a précédé les décisions rigoureuses qui les décident. Ils sont autorisés à penser qu’elles n’ont jamais pour objet que des coupables, ou au moins des hommes justement suspects.

Mais un exempt de police, un officier de bastille, sont sûrs précisément du contraire : ils savent qu’ils violent les lois et que leur destination spéciale est de les violer; ils savent qu’ils sont les instrumens passifs, criminels, d’une violence arbitraire ; ils savent que les trois quarts des victimes qu’on leur donne à crucifier sont innocentes, que, si l’on avoit eu quelque prétexte fondé pour les charger juridiquement, on n’auroit pas eu recours à la voie abrégée d'une lettre de cachet; ils savent enfin que, sans les baïonnettes

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