Mémoire sur la Bastille

L'ŒUVRE DES SEPT JOURS 219

rier, puissamment secondé par M. de Leutres, eut le bonheur de soustraire ces trois hommes à la fureur du peuple. « Nous faisons grâce aux prisonniers, s’écria ce peuple généreux, si le gouverneur rend la Bastille, ou si nous la prenons. » Ce n’étoient pas des meurtres gratuits qu’ils vouloient, mais la prise de cette place, mais l’abolition du despotisme.

Des bruits douteux, des bruits contraires, se répandent, et l’on ne croit que ce que l’on désire. On nous annonce que le gouverneur de la Bastille est pris, qu’on nous l’amène. Ce n’étoit pas lui : c’étoit M. Cloüet, régisseur des poudres et salpêtres, lequel doit incontestablement la vie au brave Cholat, qui, le premier, l’a garanti de la fureur du peupler.

On fit dans le cours de cette journée bien d’autres méprises, et dont plusieurs furent sanglantes. Tandis que les uns croient avoir pris le gouver-

1. Malgré ce qu’avoit fait M. Cholat, M. Clouët n’en auroit pas moins été tué, sans M. le chevalier de Saudray qui, en le sauvant, à son tour, d’un nouveau danger, reçut un coup de sabre dont il eut la tête grièvement blessée, La Commune, satisfaite des grands services que lui a rendus M. le chevalier de Saudray pendant la Révolution, lui en a délivré un certificat des plus honorables, et ce certificat a été affiché. (Dusaulx.) — Cet arrêté en l'honneur du chevalier Goulard de Saudray fut pris en réunion privée des électeurs, le 19 mars 1790 (Chassin, our. cité, t. Il, p. 668).