Mémoire sur la Bastille

L'ŒUVRE DES SEPT JOURS 221

de cette journée, où l’on songeoit à défendre ce que nous avions résolu d’attaquer et de prendre. Nous étions convenus que les lettres contenues dans ces paquets ne seroient point ouvertes, et qu’on les enverroit à l’Assemblée nationale; mais nous fûmes contraints de satisfaire, de temps en temps, la curiosité des citoyens.

Les vainqueurs de la Bastille, qui nous amenoient le gouverneur, ne purent pas le garantir du sort affreux qui l’attendoit. Son mauvais destin l'empêcha de monter à l'Hôtel de ville, auprès duquel il fut massacré, non loin des marches du péristyle. L'abbé Le Fèvre fut spectateur involontaire de ses derniers momens: « Je l’ai vu tomber, m'a-t-il dit, sans pouvoir le secourir; il se défendit comme un lion; et si dix hommes seulement s'étoient conduits de même à la Bastille, elle n’auroit pas été prise. »

Nous apprîmes ensuite la mort de M. de LosmeSalbray, déplorée par tous les gens de bien. C’étoit le major de la place, et il fut tué dans la Grève, vis-à-vis l’arcade de Saint-Jean. Le marquis de Pelleport, dont il avoit été le consola-

1. Il faudrait citer ici toute la Relation du lieutenant de Flue publiée en 1834 (Revue rétrospective, de Taschereau, t. IV, p. 285). Mais comme Dusaulx n’est pas un témoin oculaire de la prise de la Bastille, nous devons nous contenter d'indiquer ce rapprochement,