Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

à été aussi mauvais observateur que mauvais logicien. Si l'abbé de Condillac avaiteu connaissance de l'excellent traité auquel je renvoie le lecteur (le Traité de Collins), il n'aurait pas écrit tant de puérilités sur la prétendue distinction de l'âme et du corps. On voit avec peine cette ridicule hypothèse étendue à tous ses ouvrages philosophiques, et on regrette que ce subtil métaphysicien, au lieu de profiter des découvertes de ceux qui l'avaient précédé dans la carrière, ait consacré dans la plupart des livres qu'il a publiés, des préjugés qu'un prêtre hypocrite ou superstitieux peut enseigner , mais qui, sous aucun prétexte, ne doivent pas même être la doctrine publique d'aucun philosophe. »

Deux remarques seulement, ici, fort courtes, mais suffisantes : l'une, sur le ton décisif et tranchant, avec lequel Naiseon prononce sans discussion , que le spiritualisme est l'erreur et le matérialisme la vérité ; il semble à l'entendre qu'il n'y ait pas même à en disputer ; l’autre sur la manière dont il parle de Condillac, et dont, sans s'en douter, il fait valoir un de ses mérites, celui d’être resté très-nettement et très-constamment spiritualiste , alors que sa théorie de la sensation, les préjugés communs à son temps, l'exemple et l'autorité de la plupart de ses amis pouvaient aisément l'induire à la doctrine contraire. Grâce à une certaine sagesse et à une certaine indépendance d'esprit, il eut le bonheur d'y échapper, et c'est ce que ne lui pardonne pas Naigeon.

Du matérialisme au fatalisme il n’y a qu'un pas. Naigeon le fait sans hésiter, et à l’article qui porte ce titre il avance d'abord, que ceux qui ne sont pas de son sentiment « affrment sans le prouver, et peut-être sans le croire, que notre âme est la cause efficace de ses volontés ; » et il dit ensuite