Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

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expressément : € Laissons ki nature pour ce qu'elle est. Ne parlons ni de sa perfection, ni de sa sagesse, ni de sa bonté ; toutes ces expressions sont vides de sens, et par cela même très-déplacées dans la bouche d’un philosophe, aux yeux duquel l'univers, considéré dans l'ensemble et dans les détails , n'offre rien qu'il puisse louer ou blämer..... En effet, depuis les phénomènes les plus communs ou les plus rares de la matière brute et inanimée, jusqu'aux pensées , aux volontés , aux actions les plus machinales ou les plus réfléchies de l'animal, portion nécessairement organisée d'une matière appropriée, sensible et vivante , tout s'exécute par des lois nécessaires et éternelles , et le monde ou le tout ne saurait être autre que ce qu'il est... Tous les événements forment une chaîne étroite et inaltérable; Ôtez un seul de ces événements , la chaîne est rompue et toute l'économie de l'univers est troublée. Cela est démontré pour tous ceux qui entendent cette matière, et ce serait entreprendre de blanchr un maur, selon l'expression d'un savant moderne , que de vouloir le prouver à ceux qui ne l'entendent pas. »

Je laisse de côté les exemples que prend ici Naigeon pour mieux établir sa thèse, et qui se ressentent un peu trop des propos familiers et libres de cette société aux mœurs faciles du xvmr siècle, et je m'en tiens aux généralités de son système. Selon lui, « l'homme n'est pas différent d'un automate : cest un automate qui veut. » Et pour ne reculer devant aucune conséquence, il n'hésite pas à dire : « Qu'il nya ni vice ni vertu, rien dont il faille récompenser ou châtier. Qu'est-ce qui distingue les hommes ? la bienfaisance et la malfaisance ; le malfaisant est un homme qu'il faut exterminer, mais non punir ; la bienfaisance est une bonté