Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

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de l'excuser, s’il eût eu réellement , pour le christianisme ; cette soumission et ce respect absolu qu'il affecte partout. Mais-ceux quil’ont connu savent assez qu'il avait une haine invétérée pour les prêtres, et le mépris le plus profond - pour ce qu'ils enseignent; il était même athée à sa manière, puisqu'il ne croyait , comme il me lavoua un jour, pressé par différentes questions que je lui proposais à ce sujet, ni que Dieu eût créé la matière, ni que ce fût un être intelligent , immatériel et distinct de ses effets. Il ne le concevait que comme une certaine force , répandue dans toute la nature et qui produit d’une manière, qui nous esl le plus souvent inconnue, tous les phénomènes que nous voyons. »

Mais voici élevée à son plus haut caractère de généralité et tout a fait systématisée la doctrine de Naïgeon sur Dieu : « La distinction, dit-il à l’article manichéisme, du monde moral et du monde physique, est chimérique et contraire à la saine philosophie; il n’y a pas deux mondes , il nyena qu'un et c'est le tout : or le tout n'est ni bon ni mauvais; il est comme il doit être, et il n'y a personne ni à accuser ni à glorifier , rien à craindre ni à espérer. »

« Tout effet, beau ou laid, simple ou complexe, rare ou commun , ditilencore ailleurs (article ordre de l'univers), régulier ou irrégulier, selon notre manière de voir , a une cause physique connue où inconnue. Que mille caractères jetés, pêle-mêle, sur une table , forment un discours et un sens : que les astres aillent d'une façon où d'une autre , ces différentes combinaisons , toutes possibles , ne sont ni plus ni moins régulières, ni plus ni moins admirables les unes que les autres : elles sont toutes dans la nature; elles ont leurs causes nécessaires et déterminantes , elles sont égale-