Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

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de ses principes, à savoir que le matérialiste, le fataliste, l'athée est précisément l'homme pour lequel, du moins logiquement, il n’y a ni vice ni vertu ; ainsi dans son infatuation, oppose-t-il, avec un inconcevable sentiment de triomphe, sa doctrine à celle du christianisme, et s'écrie-t-il avec Diderot, auquel du moins il prête cette profession de foi: « Il n'appartient qu'à l’honnête homme d'être athée. Le méchant qui nie l'existence de Dieu est juge et partie ; c'est un homme qui craint et qui sait qu'il doit craindre un vengeur à venir des mauvaises actions qu'il a commises. L'homme de bien, au contraire, qui aimerait tant à se flatter d'une rénumération future de ses vertus, lutte contre son propre intérêt; l’un plaide pour lui-même, l’autre contre lui; l’un ne peut jamais être certain des vrais motifs qui déterminent sa façon de philosopher ; l’autre ne peut douter qu'il ne soit entraîné par l'évidence dans une opinion , si opposée aux espérances les plus douces et les plus flatteuses dont il pourrait se bercer. » Maïs Naïgeon a beau se complaire en ces paroles, par lesquelles il espère sauver le faux et l’odieux de son système, on n’en sait pas moins que même à ses yeux, si prévenus qu'ils soient pour de si détestables chimères, il manque à l'homme de bien qui ne croit ni à Dieu ni à l'âme, quelque chose, à défaut de quoi il reste profondément incomplet, infirme et misérable.

Après ces extraits de la partie philosophique desmémoires sur Diderot, je n'aurais plus qu'à en prendre congé si je ne voulais en tirer encore deux ou trois particularités, qui ne sont pas sans quelque intérêt et sans quelque rapport à mon sujet. Ainsi toujours très-hostile à Condillac, Naigeon revient encore ici sur les griefs qu'il a contre lui, et après une