Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

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doctrine n’avait-il pas évidemment atteint de tout point la limite? Quelle négation et quelle insulte nouvelle lui restaitil à lancer contre les deux constants objets de son doute etde son dédain, Dieu et l'âme ?

Et puis, il faut le dire , il vieillissait, sa santé s’altérait, un moment même vint, où comme je l'ai rappelé plus haut, la maladie le condamna à un sacrifice bien douloureux, celui de ses beaux livres; craignant de ne pouvoir suflire avec la modestie de son revenu aux frais qu'exigeait son état, il se décida à cette pénible séparation ; son cabinet si bien orné se vida, et sa bibliothèque le quitta pour passer entre les mains d’un autre amateur, digne, au reste, de la recueillir ; ce fut un grand chagrin, et un grand découragement pour sa vieillesse. :

De plus, il n'avait pas à se le dissimuler, les temps étaient venus où nul ne pouvait plus impunément se livrer à ces excès d'opinions, qui lui avaient si longtemps été familiers. Comme chacun, il le sentait, la France avait trouvé un maître peu disposé à souffrir ce qui avait été toléré ou permis sous les régimes précédents. Les esprits d’ailleurs et les mœurs étaient autres : une grande expérience avait été faite, une forte réaction s'étaitopérée, et tous lesjours on revenait d’une philosophie plus que téméraire et d’une irrévérence plus que légère à plus de sagesse et de respect.

Naigeon lui-même n’aimait pas qu'on publiât trop haut son passé. Il n’en était plus aux années, où tout, jusqu’à la contrainte, sous laquelle il gémissait en l’éludant, toutefois, avec assez d'adresse et de bonheur, l’excitait et le poussait à ces licences de pensées; mobiles, forces, concours et faveur publique, tout déclinait pour lui ; sa destinée s'ache-