Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

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vait, et s'achevait même assez tristement. Ses amis lui manquaient; autresamis, ses livres lui manquaient également ; son frère, que ce fût la faute de l’un ou de l’autre, ou de tous deux à la fois, n'était pas demeuré avec lui dans leurs anciens et affectueux rapports. Ce frère était d’ailleurs un homme d’une humeur chagrine et sombre, fort dégoûté de la vie, et qui le prouva trop. Une telle âme n'était guère faite pour venir en aide et en adoucissement à la sienne ; elle ne pouvait lui apporter ni une meilleure croyance, ni une plus ferme espérance. Restait donc pour lui la solitude, et la solitude du vieillard, la plus dure de toutes, surtout quand le vieillard n'a pour se soutenir dans ses extrêmes épreuves et son irréparable infirmité, ni les secours humains, toujours d’ailleurs en eux-mêmes sicaducs, ni les secours divins qui ne viennent guère à celui pour lequel Dieu n’est que négation. Que son heure dernière arrivât, et il n'avait plus qu'à rendre stoïquement à la nature, comme il eût dit, cette portion de matière nécessairement organisée, mais nécessairement aussi amenée au terme de son organisation, qui à ses yeux était tout son être. Cette heure vint et il put l’accueillir comme une délivränce, même sans compter sur autre chose que le repos dans le néant, tant la vie avait fini par être pour lui de peu d’attrait et de prix.

Il mourut en février 4810, laissant comme philosophe, la réputation que l'on sait, mais en même temps, comme homme, des souvenirs de probité, de droiture, de franchise, non sans quelque rudesse, de simplicité de mœurs, et de goûts serieux et studieux, dont il faut lui tenir compte, afin de décharger sa mémoire, au moins pour une part, de la fàcheuse célébrité, qui pèse, pour une autre part, sur elle.