Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

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Et maintenant il semble qu'ayant fini avec Naigeon, je ne devrais plus avoir qu'à m'arrêter et à mettre un terme à ce travail. Il est vrai, mais Naigeon, si on peut le dire, n’est pas seulement dans Naigeon; il est aussi dans d'autres qui lui tiennent de très-près, qui relèvent et viennent de lui, qui sont comme de sa famille, et sans lesquels on ne le comprendrait pas tout entier. Il faut donc voir avec ce qui est en lui, ce qui est hors de lui, mais issu de Jui ; il faut suivre son athéisme de ses propres livres dans ceux qui en sont engendrés, et compléter ainsi une étude qu'on doit désirer, pendant qu'on y est, etafin de n'avoir pas à y revenir, ne pas laisser imparfaite.

Deux noms, sous ce rapport, se rattachent étroitement an sien, et ne s’en séparent guère, Sylvain Maréchal et Delalande, l’un l’auteur entre autres écrits du Lucrèce français et du Dictionnaire des athées ; l'autre de deux supplements à ce dictionnaire.

Qu'était-ce que Sylvain Maréchal ? Sans faire ici sa biographie, je le dirai en deux mots : ce n'était pas un mauvais homme; c'était plutôt un maniaque, un maniaque d’athéisme, il est vrai, mais qui avait du bon dans sa manie, qui avait même de la tolérance et de la charité à sa manière, et qui tout fou qu'il fût d'impiété pour son compte, souffrait sans peine la religion dans autrui. « Sa femme et sa sœur, dit Delalande, dont je conserve ici les paroles, tenaient à la religion ; il était le premier à les engager à aller à la messe ; il avait dans son cabinet un christ; et toutes les autres figures du culte, parce que sa femme le désirait. Dans le temps qu'il demeurait au clos Saint-Marceau, il logeait chez lui des religieuses, auxquelles il n'a jamais demandé de loyer ;