Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

272 LOUIS A NAPOLÉON.

trait en état de supporter, ainsi que le pays, les sacrifices qu’elle exigeait, j'ai consenti ; fort de la pureté de mes intentions et de mes sentiments, j’ai pu me résoudre à supporter la perte d’une si grande partie de mon royaume, de celle qui était peut-être la plus attachée au nouvel ordre de chosesen Hollande, immédiatement aprèsavoir échappé à l'invasion ennemie et lorsque j’espérais une amélioration pour ce pays ; je l’ai fait, Sire, parce que j'étais persuadé que V. M. I. ayant pris pour la France ce qu’elle a cru être ses limites naturelles et ayant reçu de ma part des preuves irrécusables de mon dévouement extrême, d’une abnégation presque absolue, ne trouvant plus en Hollande aucun sujet de mécontentement, adoucirait l'exécution des dispositions les plus rigides du traité et donnerait à ce pays des dédommagements. Que V. M. veuille s’arrêter un moment sur ma position et celle de ce pays. En 1806, lorsqu'il paraissait dans un état de finances désespéré, il était au moment de voir sa situation s’améliorer tout à fait, puisque j'étais parvenu à niveler ses dépenses avec ses revenus ; mais la guerre avec la Prusse culbuta tout, et je n’hésitai pas à satisfaire aux désirs de V. M. I. d’armer et équiper le plus de monde possible sans aucune considération qu'à la paix continentale la Hollande serait largement indemnisée de tout (1). V. M. I. me rendra la justice que j'ai fait tous les efforts imaginables, que j’ai continué les années suivantes en les portant sur le pied de paix, mais à un point extrêmement disproportionné à la situation du pays horriblement empirée depuis l’an 6 par ces armements excessifs. Sire, quant à ma position particulière, V. M. sait si je cherche un bonheur exagéré, si jene désire et demande autre chose que des devoirs que je puisse remplir; il n’est aucun sacrifice que je n’aie toujours fait au nom et aux désirs de mon frère. Si quelqu'un fut jamais chargé de ma triste destinée, ce fut vous. Dois-je effacer de mon souvenir et de mon cœur les années de mon enfance? Si jamais j'ai désiré quelque bien-être, c’est du vôtre que je l’ai toujours attendu, et cependant je ne fus jamais plus à plaindre que lorsque vous n’aviez que des sujets de joie et de prospérité, et moi que des motifs d'actions de grâce à rendre à la Providence pour la gloire et le bonheur qu’il lui plaisait de répandre sur mon frère. Veuillez, Sire, achever ce que vous avez commencé. Vous avez laissé à la Hollande son existence à cause de moi, vous

(1) Ces mots sont soulignés dans l'original.