Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

LU TRAITÉ DE TILSITT À LA BATAILLE DE WAGRAM. pxr

était persuadée qu’on en voulait à son existence. En traçant ce sombre tableau, Louis disait que, quant à lui, il luttait de toutes ses forces contre le malheur des événements ; qu’il lutterait jusqu’à son dernier soupir, parce que c'était son devoir, parce que, si les circonstances lempêchaient de se montrer le protecteur et le bienfaiteur de la Hollande, on saurait du moins que ni la privation de famille (1) et d’ami, ni un climat destructeur, ni des souffrances continuelles, ni la certitude de n'avoir plus l'estime et la bienveillance de celui qu’il pouvait regarder à bon droit comme son meilleur ami, ni enfin les chagrins les plus véritables et les plus profonds n'auraient pu le détourner de chercher à remplir sa tâche, à se rendre le moins possible indigne de son nom, et à mériter qu'un pays d'hommes libres comme la Hollande ne le regardât plus avec l'odieux et le mépris secret d’un gouvernement étranger et illégitime. Terminant cette lettre franche et loyale par une sorte de mise en demeure adressée à son frère, il ajoutait :

« J'en conjure donc V. M. : que je sache ce qu’elle veut. Je n’ai pas plus d’ambition qu'il y a deux ans. Si V. M. a des vues sur ce pays, je ne demande que de ne pas être l’instrument de sa perte ou même de la perte de son indépendance. Cela donnerait à ma mémoire une tache ineffaçable. Si cela n’est pas, je ne demande pas une indépendance absolue, mais qu'on ne m’accable pas de choses contradictoires. Comme je ne bats point de la fausse monnaie, je ne puis

(1) Depuis le 4 janvier 1802, date de son mariage, jusqu'au mois de septembre 1807, Louis ne demeura avec sa femme qu’un espace de temps de quatre mois à peine, à trois époques séparées par de longs intervalles. Depuis ce moment, les deux époux vécurent éloignés l’un de l’autre jusqu’au mois d'avril 1810, où, sur l'ordre de Napoléon, la reine alla faire une courte apparition en Hollande. Louis se vit également privé le plus souvent de la présence de ses enfants. (Docum. histor., t. I, p. 108; t. III, p. 41.)