Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

DU TRAITÉ DE TILSITT A LA BATAILLE DE WAGRAM. xx

rendre compte de sa conduite (1), détermina celui-ci à sortir de la réserve que, par prudence, il avait gardée jusqu'alors. Il se plaignit de ne point rencontrer chez M. de la Rochefoucauld les égards auxquels il avait droit, et insinua à l’empereur de rappeler son ministre (2). « J'ai changé DupontChaumont sur votre demande, répondit Napoléon. Je ne puis changer le sieur La Rochefoucauld. Je n'ai pas d’Anglais à mon service, et un Anglais pourrait seul être bien accueilli en Hollande (3). » L'empereur ne se contenta pas de donner, par cette réponse, pleine raison à son ambassadeur. Le 16 septembre, il rendait un décret par lequel il prohibait limportation de toute denrée coloniale qui viendrait de la Hollande, et fermait ainsi la France aux Hollandais (4).

Louis n'avait point encore reçu de réponse à la lettre où il se plaignait de M. de la Rochefoucauld, quand il eut connaissance de ce décret; ilen fut instruit, non par l'amiral Ver Huell, son ambassadeur à Paris, ni même par M. de la Rochefoucauld, mais par le bruit public et les lamentations du pays (5). En usant de cet inconcevable procédé, Napoléon montrait bien qu'il était résolu à ne plus observer aucun ménagement à l’é-

(1) Il s'agissait de l'entrée au Texel d'un bâtiment portant pavillon américain et disant venir de la Chine. M. de la Rochefoucauld devait savoir que ce bâtiment n'avait été reçu que sur l'assurance donnée par l'équipage qu’il n'avait eu aueun contact avec l'ennemi; qu'on allait d’ailleurs le traduire en jugement, et que, si cette assertiori était reconnue inexacte, il serait renvoyé et sa cargaison vendue au profit du trésor. Le ton de cette note était d'autant plus déplacé que, peu auparavant, l'ambassadeur de France avait publiquement déclaré que les mesures du blocus s’exécutaient avec vigueur. Tout récemment même, deux bâtiments avaient été renvoyés sur le seul soupçon qu'ils avaient été visités par des croiseurs anglais. .

(2) Louis à Napoléon, 25 septembre 1808, p. 187.

(3) Napoléon à Louis, 12 octobre 1808, p. 189.

(4) Docum. histor., t. Il, p. 309.

(5) Louis à Napoléon, 28 septembre, 1808, p. 188.