Oeuvres diverses
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croient le reste des mortels façonnés d'un limon inférieur. Toutes ces Philaminte et ces Armande républicaines, Manon-Jeanne Roland, Charlotte Corday, Olympe de Gouges, énamourées de stratéges et d'imperators, voyaient Paris à travers le prisme oligarchique d'Athènes et de Rome; en plein dix-huitième siècle, après Molière et Rabelais, Voltaire et Diderot, elles rêvaient Cornélie, mère des Gracques, les Porcies, les Sempronies, toutes les hautes et fières patriciennes suivies de leur long cortège de clients et d'esclaves. Le peuple, ce rustaud qui n'avait point lu Plutarque, ne voulut pas revenir au rôle par trop rétrospectif d'ilote ou d’affranchi, Il n'avait certes pas pris la Bastille pour troquer sa glèbe contre l'aumône. Alors les lèvres roses se crispèrent pour la calomnie, les mains délicates manièrent le libelle ou le couteau. La Révolution n'était point le salon dont ces dames devaient faire les honneurs.
Leurs chevaliers de la Gironde ont une grave responsabilité devant l’histoire. Ce sont eux qui, par leur système de flatteries et d'admiration, en troublant complètement des esprits déjà faussés, ont perdu ces femmes et se sont perdus euxmêmes. Nul doute qu'ils n’aient lancé Charlotte Corday sur Marat.
Mais les preuves ? — les lettres de recommandation remises à l'assassin, son triomphant rapport à Barbaroux, enfin la joie sauvage de tous ces fédéralistes à la nouvelle du meutre. Pouvaientils croire, d’ailleurs, qu'une jeune fille seule fit le voyage de Paris dans de pareilles circonstances, pour retirer des pièces nécessaires à une amie émigrée? Le point capital, c’est qu'en apprenant le haut fait de leur émissaire, ils n’ont témoigné aucune surprise... Ils attendaient.