Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine
128 OEUVRES POLITIQUES DE FABRE D'ÉGLANTINE
se trouverait de gens qui voudraient lui acheter son moyen, plus il le vendrait cher; que plus il le vendrait cher, plus on prodiguerait les assignats; que plus les assignats seraient prodigués, moins ils vaudraient; c’est-à-dire que si, pour être sûr de toucher 200.000 livres à Londres, en bonnes guinées, et quand illui plaira, tel capitaliste donne hier 1 million assignats : aujourd'hui le change venant à baisser, ces 200.000 livres en guinées lui coûteront 1.100.000 livres assignats, et demain 4.200.000 livres; d’où il résulte que l'assignat dépérit entre les mains du capitaliste honnête : que, possesseur hier de 1 million assignats, il pouvait compter sur 200.000 livres en or, et que demain il ne possédera ‘plus que 160.000 livres ; alors la frayeur s'empare de celui-ci; et telhonnête qu'il soit, voyant que la fortune s'évanouit entre ses mains, il cherche à troquer ses assignats contre une valeur assurée et indépendante de tous les événements. Il ne fait ce troc qu'avec perte. et c’est dans cette perte qu'est le bénéfice énorme et rapide des agioteurs. C'est ainsi qüe l’agiotage entraine dans son jeu tous les capitalistes et les gens qui y pensent le moins.
Vous voyez donc, citoyens, que la base de cet agiotage et de la conspiration de Pitt et de ses agents, est la peur inspirée aux propriétaires d’assignats, sur le peu de valeur de cette monnaie : plus cette peur est forte, plus elle tend à augmenter. Les agioteurs ne sont occupés nuit et jour qu’à renforcer cette frayeur; ce sont eux qui inventent toutes ces fausses nouvelles qui tendent à alarmer les propriétaires; ce sont eux qui représentent le peuple toujours prêt à piller, afin que chacun ait recours à eux pour réaliser en portefeuille; ce sont eux.