Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA GIRONDE. 165

oublie de le consigner. Mais, après coup, tous approuvent et revendiquent l'honneur de la journée £ Roland, redevenu ministre, vante la justice du peuple, Brissot invoque la nécessité qui oblige, comme autrefois à Sparte, à laisser dormir un peu la loi, et il réclame de nouvelles mesures de proscription contre les journaux aristocrates échappés au pillage, à la sup

ploi : « C'est, disait-il, faire cultiver des pommes de terre, non p&r un jardinier, mais par un fleuriste hollandais. » Entré dans le Conseil, il rendit justice aux intentions du roi et raconta un jour que Louis XVI Payant surpris à ignorer un point de la constitution, avait tiré son livre de sa poche et lui avait dit en riant : « Vous voyez, monsieur Clavière, je la sais mieux que vous. » Madame Clavière aurait bien voulu jouer le rôle de madame Roland, mais elle n'avait qu’en vanité tout ce que l'autre avait en talent et en force, J'ai vu là un des miracles de l’amour-propre. Elle était mourante lorsque son mari fut nommé ministre... Le médecin nous dit: « Je réponds d'elle; vous la verrez dans quatre jours sortir de son lit pour figurer à l'hôtel des Contributions publiques. » La prédiction fut vérifiée. Des diners chez Clavière, Roland et de Graves m'avaient mis en liaison avec Dumouriez; ces dîners étaient souvent remarquables par cette gaieté d'esprit qu'aucune situation n'ôte aux Français quand ils sont réunis en société, et qui était naturelle à des hommes contents d'eux et flattés de leur élévation. Le présent leur cachait l'avenir. On oubliait les soins du ministère. On s’arrangeait dans ses hôtels comme pour y demeurer toujours. Madame Roland seule, en voyant les dorures des appartements, répétait toujours que c'était pour elle le luxe d’une auberge. C'était Louvet, c'était Dumouriez qui charmaient les conversations. Je me souviens qu’un jour Dumouriez, faisant le récit d'aventures galantes où il se donnait un rôle brillant, Clavière lui dit : « Général, vous avez fait sourire Baptiste. » Baptiste était ce valet de chambre que Dumouriez a illustré dans ses Mémoires.