Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA GIRONDE. 179

Et comme Dumont s'indignait : « Vous n'êtes pas au courant de notre situation, reprit Brissot: le ministère de Lessart nous perd, il faut l’écarter à tout prix, ce west qu'une mesure temporaire; il faut sauver la France ct nous ne pouvons détruire le cabinet autrichien qu'en mettant un homme sûr dans les relations extérieures. » Un pareil trait illustre à merveille le personnage.

Brissot est fidèle à son parti, fidèle à la probité. Mû par un certain enthousiasme auquel il était prêt à se sacrifier, parce qu'il ne sentait en lui ni cupidité pécunaire, ni ambition de place, il se croyait un citoyen pur et vertueux: « Voyez ma maison plus que simple; voyez ma table digne d'un Spartiate, suivez mes mœurs domestiques, cherchez si vous pouvez me reprocher quelque dissipation, quelque frivolité ; depuis deux ans je n'ai pas mis le pied dans un théâtre; » telle était la base de sa confiance. Il ne s'aperçoit pas que le zèle de parti, l'amour du pouvoir, la haine, l'amourpropre sont des corrupteurs aussi dangereux que la soif de l'or, l'ambition du ministère et le goût des plaisirs. Au fond, il y a en lui un pontife sectaire, et Robespierre apparaît comme un Brissot à la quatrième puissance, mais Robespierre savait jouer de sa pauvreté, tandis que Brissot n’y mettait aucun apparat.

Le jugement de madame Roland, de Beugnot complète cette exquisse. Madame Roland vante son désintéressement, son ardeur immodérée pour la chose