Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA GIRONDE. 463

(se non é vero, à ben trovato) allant chez un ami où il trouve l'abbé Raynal, ce fripier de génie, de philosophie, écrivant dans l’antichambre, sous la dictée d'un nègre ; comme il s'étonne, Raynal remarque gravement que ce nègre est de Madagascar et qu'il prend des notes sur cette île; — le cri de Voltaire, quand Tronchin lui demande s’il craint la mort: « Si je la crains ! mettez-moi sur un échafaud ; étendez-moi sur une roue ; là, brisé, rompu, prêt à périr, si je pouvais con-

server la vie en évitant le coup de grâce, je dirais:

encore : « Épargnez-moi le coup et laissez-moi la vie ! » « Voilà donc, reprit Tronchin, le fruit de vos beaux systèmes ! vous tremblez à l'approche de la mort, tandis qu'une pauvre vieille femme, qui n'a que sa religion pour la soutenir, meurt avec la plus grande tranquillité! » — Vernes rendant visite à Rousseau, qu’il trouve occupé à lacer Thérèse; Rousseau sans quitter sa besogne, lui dit : « Elle m'aide et je le lui rends ».

Sachons gré à Brissot du dégoût qu’il éprouve en entendant Morande, Swinton et autres drôles de même sorte se raconter gaîment leurs ignominies, en les agrémentant de réflexions dignes d’un habitué de la cour d'assises: « Voici qui méritait bien la bastonnade, disait l’un en parlant de lui-même ! — Cela ne valait-il pas la corde, répliquait l’autre? — Tel négociant m'a donné cette paire de boucles pour vanter son magasin et déprécier celui de son rival. — Telle actrice m'a envoyé cette boîte d’or pour la pouster (prôner).