Orateurs et tribuns 1789-1794

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répandre des larmes, il méconnaît la puissance de l'enthousiasme, de la passion, et sur qui? Sur les assemblées parlementaires de la Révolution, c’està-dire sur les assemblées les plus inflammables qu’on ait jamais vues, celles que leurs défauts et leurs qualités même livraient le plus à la magie des phrases harmonieuses. Aussi, de parti pris, son style oratoire serat-il nu, froid, abstrait. — Une éloquence entraïnante, c’est bon pour les assemblées populaires, où ceux quelle trompe n'ont à prononcer que sur leurs propres intérêts : mais comment des députés céderaientsls à une autre force que celle de la raison, sans trahir leur devoir, puisqu'ils prononcent sur les intérêts d'autrui? — En un mot, Condorcet veut qu'on les éclaire sans les émouvoir, il ne sait pas que toute assemblée est foule et, au lieu d’épeler l'alphabet du cœur humain, il préfère instituer pour celui-ci un code compliqué, produit stérile de son orgueil métaphysique, appareïl de néant et de dangereuse erreur. Peut-être aussi trouvait-il plus commode de dogmatiser ses défauts d'écrivain *.

Comment mesurer jamais d’une façon exacte les effets de l'éducation ? La mère de Condorcet, dévote ardente, le voue à la Vierge et au blanc, lui fait porter pendant huit ans le costume de jeune fille : d’où cette

4. Il réclamait l'admission des femmes au droit de cité, et leur éligibilité à toutes les places. La nature, selon lui, leur a accordé tous les talents, sauf l'invention; mais dans quelle fonction celleci est-elle nécessaire ?