Orateurs et tribuns 1789-1794

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avait su respecter ses anciens écrits et rougir devant sa propre conscience, » dit André Chénier, qui lui reproche ses petits coups de stylet empoisonné, ses pamphlets saliriques, ses articles de la Chronique de Paris.

En résumé, Condorcet a des haïines et des amitiés vigoureuses, haïnes politiques, haines littéraires, haines individuelles : il est comme tant d’autres, philosophe en gros, très susceptible en détail, à l'exemple de certains dévots qui ne se montrent Jamais plus aigres que le jour où ils ont rempli leurs devoirs religieax. Il poursuit un but très noble à travers les infirmités de sa nature : mille traits honorent sa vie, cent autres la ternissent et démentent ce titre d'homme de l'ancienne chevalerie et de l’ancienne vertu dont le décora le patriarche de Ferney.

Rien de plus louable assurément que son amitié et sa loyale indépendance à l’égard de Voltaire, de Turgot, que son mot aux Girondins : « Je tâche que chaque parti s'occupe de lui un peu moins, et de la chose publique un peu plus ; » que son attitude après la journée du 31 mai, lorsque jugeant cette constitution d'Hérault de Séchelles, que Sieyts appelait tout bas une mauvaise lable des matières, il osa, dans une lettre publique, proposer au peuple de ne pas la sanctionner, dénonçant au péril de sa vie l’arrestation des Girondins, la censure inquisitoriale, le pillage des imprimeries, la violation du secret des lettres, déclarant que des élec-