Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA GIRONDE. 205

regarde les tragédies de Shakespeare comme des chefsd'œuvre. «En morale, écrivait-il à Turgot, je suis grand ennemi de l'indifférence et grand ami de l’indulgence dont j'ai souvent autant besoin qu’un autre. » De quel nom qualifier ses jugements sur les préliminaires du 20 juin 1792, lorsque, signalant le calme du peuple, il le représente remontant aux causes par les effets, et se rendant compte des événements, de telle sorte « qu'on serait tenté de croire qu'il consacre chaque jour quelques heures à l’étude de l'analyse »? De quel nom qualifier son apothéose du bonnet rouge dont on avait affublé Louis XVI? « Cette couronne en vaut bien une autre, et Marc-Aurèle ne l’eût pas dédaignée. » — Comment admettre que, pendant sa présidence de l’Assemblée, il continue de décrire comme journaliste les débats qu'il dirige? Comment amnistier ses flagorneries envers les tribunes, ses moqueries à l'adresse de collègues qui se plaignent d’avoir été insultés à la porte de la saile des séances, son silence embarrassé sur les massacres de Septembre, sur cette terrible situation « où un peuple naturellement bon et généreux est contraint de se livrer à de pareilles vengeances »? Et son vote plein de réticences dans le procès de Louis XVI! « Je vote pour la peine la plus grave dans le code pénal, et qui ne soit pas la mort. »

On sait la fin stoïque de Condorcet, l’héroïsme de madame Vernet qui le cacha huit mois dans son appar-

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