Orateurs et tribuns 1789-1794

312 ORATEURS ET TRIBUNS.

toi, dit-il à celui ci, tu t'es gorgé des deniers publics ; toi, dit-il à celui-là, tu es un coureur de filles et de mauvais lieux... Fi done, dit-il à tous, cédez la place à des hommes de bien. Ils la cédèrent, et Cromwell la prit. » — Devant la proscription menaçante, Guadet était-il devenu prophète? Avait-il vu poindre l'ombre de Cromwell-Bonaparte ?

Le 31 mai, quand il entra aux séances dans la salle de la Convention, trois Montagnards s’y trouvaient déjà. Louvet dit en montrant l’un d’eux : « Vois-tu quel horrible espoir brille sur cette légion hideuse.— Sans doute, c’est aujourd’hui que Clodius exile Cicéron! » Tout ennemi est Clodius, et l’on se croit toujours Cicéron.

Décrété d'arrestation, mis hors la loi, Guadet réussit à s'enfuir; mais alors se dressent devant lui et ses compagnons Salle, Pétion, Buzot, Barbaroux, Louvet, Valady, les étapes d’un long calvaire, plus douloureux peut-être que celui de leurs amis restés prisonniers à Parist. Battus presque sans coup férir dans le Calvados,

impuissants à organiser la résistance en Brefagne, en

1. Parmi ceux-ci figurent deux jeunes députés, Ducos et BoyerFonfrède, grards admirateurs de Vergniaud, qui, en prison comme à la Convention, firent preuve d’une gaieté, d’une force d'âme à toute épreuve. Ducos, causeur aimable et conférencier à la tribune, avait de l'esprit argent comptant. Le Ventre dévorera les deux bouts, disait-il de la Plaine, et la prédiction se réalisa après le 9 thermidor. Parlant contre l’enseignement par les prêtres, il avance qu'il a merait mieux leur confier les finances de la Répu-