Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA GIRONDE, 247

voque le goût de l’époque, le scepticisme blasé d’une partie de la société, je le conçois à la rigueur; mais, innocenter ces gravelures sous prétexte qu’elles sont entremêlées de dissertations philosophiques, de tirades sur les lois naturelles et en faveur des droits de l'homme, cela passe la permission, et, sans se piquer de pruderie, on ne saurait demeurer impassible devant des œuvres qui, du même coup, démontrent leur temps, le jugent et le condamnent.

La Révolution exalta l’âme romanesque de Louvet, disciple fervent de Jean-Jacques qu'il appelle l'écrivain sublime. Il se trouvait à vingt lieues de Paris, avec sa Lodoïska, quand il apprit la prise de la Bastille; à l'instant, il arbore la cocarde tricolore. Lodoïska coupa des rubans pour lui en faire une. « Comment peindre les transports avec lesquels cette cocarde fut offerte et reçue? J'étais aux genoux de ma tendre amie... C'était un mélange de patriotisme et d'amour bien dificile à rendre.» Il se fixe à Paris, parle dans sa section, est admis aux Jacobins, écrit des brochures politiques, un roman social, des comédies; l’une de celles-ci intitulée : /a Grande Revue des armées noires et blanches, eut au théâtre Molière vingt-cinq représentations. Il fut moins heureux avec l’Anobi consptrateur : un des directeurs du Théâtre-Français écoute trois actes avec ennui, et, n’y pouvant plus tenir, l’arrêta en s’écriant : « Il me faudrait du canon

pour jouer cette pièce ». 13