Orateurs et tribuns 1789-1794

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deux romans d’alcôve, le second l'emporte sur le premier par l’'amertume du trait, la profondeur du cynisme, la rouerie prodigieuse des personnages et la vigueur d’un style plus rapide, mieux coloré, plus énergique. C’est presque la différence d’une idylle avec une tragédie, d’un Dorat avec un Voltaire, d’un Tocqué avec un Ribéra. Laclos imite visiblement Clarisse Harlowe, la Nouvelle Héloïse, la Religieuse, il prend le crayon de Richardson, la palette de Diderot, le pinceau de Jean-Jacques ; lui-même a vu le grand monde corrompu et avec beaucoup d'art et d'esprit, sans pitié pour ses modèles, il trace un tableau effrayant de ressemblance, dont les deux principales figures, la marquise de Merteuil, le vicomte de Valmont dépassent en immoralité les plus tristes héros du roman et de la réalité. 11 a en quelque sorte sublimisé la perversité dans ce code du libertinage, où il ramasse, concentre en quelques personnes les traits les plus scandaleux que lui offrirent, et son imagination, et son observation. « Si, disait Grimm, Restif de la Bretonne est le Rousseau du ruisseau, Chauderlos de Laclos est le Restif de la bonne compagnie. Il n'y a pas d'ouvrages, sans en excepter ceux de Crébillon, où le désordre des principes et des mœurs soit peint avec plus de naturel, de hardiesse et d'esprit. On ne s’étonnera donc point de tout le mal que les femmes se croient obligées d’en dire; quelque plaisir que leur ait pu faire cette lecture, il n’a pas été exempt de chagrin. Comment un homme