Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA GIRONDE, 293

qui connaît si bien et qui garde si mal leur secret, ne passerait-il pas pour un monstre ? Mais, en le détestant, on le craint, on l’admire, on le fête; l’homme du jour et son historien, le modèle et le peintre, sont traités à peu près de la même manière. Quelque mauvaise opinion qu’on puisse avoir de la société parisienne, on y rencontrerait, je pense, bien peu de liaisons aussi dangereuses pour une jeune personne que la lecture des Liaisons dangereuses. »

Qu'un tel livre respire une certaine délectation d’immoralité, une dépravation joyeuse qui se complait dans l'anatomie du roué, que Laclos prête à Valmont un charme de séduction irrésistible, et qu’il n’ait pas une seule minute l’idée de se recueillir, de censurer ses héros, rien de plus certain. Ce qui n'empêche pas l'auteur de se vanter, comme fant d’autres, de ses bonnes intentions, de s’imaginer peut-être même qu'il a fait œuvre pie, que ses portraits confirmeront les purs dans leur pureté, dégoûteront les demi-vicieux du vice suprême, et que l’expiation dérisoire du dénouement réhabilite tant de pages où s'étale la licence la plus raffinée. Oyez plutôt cette justification de la préface : « 11 me semble au moins que c'est rendre un service aux mœurs que de dévoiler les moyens qu’emploient ceux qui en ont de mauvaises, et je crois que ces lettres pourront concourir efficacement à ce but. On y trouvera la preuve de deux vérités importantes qu’on pourrait croire méconnues en voyant combien peu elles