Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA MONTAGNE. 233

l’accueille très bien, consent à essayer de sauver le roi, réclamant un million pour gagner les voix nécessaires, mais avertissant que, s’il ne peut réussir, il votera la mort. Lameth vit l'ambassadeur d'Espagne, fit parler à Pitt, qui refusa, Danton vota la mort, puis facilita le retour de Lameth en Suisse. N'est-ce pas le cas de

et je me trouvais en solliciteur chez le ministre Servan lorsque Danton y entra. Dans un intervalle de conversation, il me fit signe de n'approcher de lui et, me prenant à l'écart, il me dit :

» — À quoi bon solliciter cet imbécile de Servan ? Venez demain matin chez moi et vous me direz ce que vous voulez.

» J'y fus effectivement ; c'était à l'hôtel de la chancellerie, place Vendôme.

» Dès que j'entrai, Danton me dit :

» — Eh! eh! jeune homme, vous ne voulez done pas vous rendre à Strasbourg ?

» — Non, je préfère rester à l'armée de Kellermann où je connais à peu près tout le monde, et où je suis connu de chacun, je désire rester avec mes camarades.

» — Et c’est précisément pour cela que nous voulons vous envoyer ailleurs ; votre influence dans cette armée ne nous convient pas, surtout en ce moment; nous savons que vous vous avisez de tenir des propos sur le gouvernement et sur ses mesures.

» — Je n'ai tenu aueun propos, j'ai seulement blämé les massacres du 2 Septembre et, je ne crains pas de vous le dire, c’est un événement qui me fait horreur.

» — Bah! bah! ne vous échauffez pas tant sur ce sujet; c’est moi qui ai ordonné ces massacres, je ne m'en repens pas et vous devriez m'en remercier. En exterminant tous ces nobles, tous ces aristocrates qui étaient dans les prisons, j'ai brülé les vaisseaux de ceux qui défendent nos frontières ; pour eux il n’y a plus d'autre ressource que de vaincre ou de mourir : car ils savent bien maintenant que, s'ils étaient battus, nos ennemis leur feraient