Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA MONTAGNE. 935

chant le politique de donner sa vraie mesure au milieu de cette course effrénée, haletante, à travers les abîmes, où les faits se pressent, énormes, incohérents, stupides et grandioses, sans que les hommes puissent reprendre haleine, se recueillir entre celui de la veille et celui du lendemain, alors que toutes les formes, les règles et les procédures d'autrefois sont faussées, anéanties.

On l’a beaucoup et diversement jugé. Peut-être n'est-il pas inutile de rapporter quelques-unes de ces appréciations.

Arnault le peint insatiable de volupté, et, pour assouvir ses sens, ambitieux de l’argent qui donne le pouvoir, du pouvoir qui donne l’argent, naturellement indolent, préférant la suprématie du tribun à l'omnipotence du dictateur, plus violent que cruel et recourant accidentellement à la proscription comme on recourt à une bataille, mais, la victoire gagnée, répugnant à prolonger le carnage; bon vivant d’ailleurs et obtenant par ses vices le dévouement que l'honnête homme n'obtient pas toujours par ses vertus. Un jour qu’Arnault causait assez haut au balcon du Théâtre-Français, Danton se retourna sans humeur et lui dit avec bonne grâce : « Monsieur Arnault, permettez-moi d'écouter comme si on jouait une de vos piècest »

1. On sait le mot d’un autre spectateur à un voisin bruyant: « Ces comédiens sont insupportables ; ils m’empêchent d'entendre votre conversation. »