Orateurs et tribuns 1789-1794

236 ! ORATEURS ET TRIBUNS.

Beugnot raconte que Danton voulut l’enrôler dans son parti, qu'il se sépara de lui sans éclat et que le tribun disait à son ami Courtois : « Ton grand Beugnot n’est qu'une dévote ; il n’y a rien à faire de lui ». Un jour, il lui conseille de quitter Paris et même la France, sans se rendre émigré, « parce que la terre devenait brûlante pour lui et ses pareils ». Il obtint même pour lui la mission de Gênes, mais Beugnot refusa, et Danton l’avertit avec sa rude familiarité. « Tu vois où nous en sommes à la Convention ; les gens de ta couleur serviront d’enjeu à la partie qui va se jouer. Puisque tu ne veux ni te jeter dans la mêlée, ni t’éloigner, fais-toi oublier, si tu peux. » Quand Bcugnot est enfermé, Danton donne l'ordre de le bien trailer, recommande à la citoyenne Lebau, gardienne à la Force, de le cacher à la cuisine en cas de désordre et d'attaque, puis, dès qu'elle pourra, de lui donner la clef des champs. Et le prisonnier n’était pas le seul qui attendit de lui son salut.

On ne saurait passer sous silence les accusations de vénalité, de dilapidation; quelle que soit l’autorité des accusateurs, l'énergie de leurs affirmations, si précises et si concordantes, j'hésite pour ma part à prononcer le verdict de culpabilité; quelle que soit l’habileté de M. Aulard, la vigueur d’argumentation du docteur Robinet, elles ne semblent pas réfutées. Ils ont beau s’évertuer, discuter à perte de vue, entasser les chiffres; le doute persiste; je suis même persuadé qu'ils se