Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA MONTAGNE. 239

échappa de dire, dans les fumées du vin, que leur tour était venu de jouir de la vie, que les hôtels, les mets exquis, les femmes étaient le prix de la bataille. Et comme les convives se regardaient avec étonnement, Danton se leva brusquement et, riant aux éclais : « Mais croyez-vous donc que je ne puisse pas, si je m'en mêle, être sans-culotte tout comme un autre? Croyez-vous que, tout comme un autre, je ne puisse pas montrer mon derrière aux passants? »

Tel il était, reprend Louis Blanc, tenant de Diogène, tenant de Sardanapale, mais avec je ne sais quoi de grandiose, d’original et de fort. En parlant de ses manières, Garat l’appelle : un grand seigneur de la sans-culotterie. On pourrait, en parlant de son intelligence politique, l'appeler l’homme d’État du chaos.

Enfin, Victor Hugo ramasse en faisceau, colore et romanise ces accusations dans un dialogue entre Marat et Danton, Le premier lui demande compte des cent mille livres reçues de Montmorin,

— J'étais du 14 juillet, dit Danton avec hauteur.

— Et le garde-meuble, et les diamants de la couronne ?

— J'étais du 6 octobre.

— Et les vols de votre alter ego; Lacroix, en Belgique ?

— J'étais du 20 juin:

— Et la salle de l'Opéra qu'on bâtit avec de l’argent fourni par vous ?