Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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un involontaire hommage. Pour excuser ses désordres de jeunesse, il fit dé sa famille une satire amère; enfin, s'étant procuré une copie infidèle des conclusions de lPavocat général qui devait parler après lui, il essaya de les combattre par avance et donna lecture d’une correspondance qui jetait le soupçon sur la conduite de sa femme et dont la divulgation publique rendait impossible tout rapprochement entre lui et la comtesse de Mirabeau ‘. Le parlement prononça la séparation. Cette lutte oratoire, demeurée célèbre, où Portalis eut la gloire de vaincre le génie même de l’éloquence, ne laissa dans l’âme de Mirabeau aucun sentiment d’irritation contre le défenseur de sa femme. Il ne parla

jamais de Portalis qu'avec éloge *?; et, même, en

1. On a prétendu que, recourant à un stratagème judiciaire d’une “loyauté douteuse, Portalis s'était éludié à exciter son irritable adversaire, afin de suppléer, par un incideut d'audience, à l'insuffisance juridique des griefs de la comtesse de Mirabeau : on explique ainsi la lecture que Mirabeau fit à ses juges et qui rendit sa condamnalion inévilable. Cette version, qu'aucun document authentique ne confirme, est peu conciliable avec le caractère des deux personnages. La scrupuleuse délicatesse de Portalis est audessus du soupçon; nous en avons donné des preuves irrécusables et Mirabeau lui-même la reconnut. Portalis avait-il, d’ailleurs, besoin d'efforts pour provoquer les emportements de l’irascible Mirabeau, dans une cause qui devait si fortement l’émouvoir ? Portalis n’avait qu’une manière de plaider, et ce fut celle qu'il adopta : il lui suffisait de faire connaitre aux juges le caractère et la. moralité de Mirabeau. Tout le procès était là. Rien de plus loyal, et en même temps, quelle que fût la modération de l’avocat, rien de plus irritant que cette sanglante vérité. Est-il besoin de chercher à la colère de Mirabeau une auire explication ? (Voir : notices de M. Boullée, page 14; de M. Hello, page 13; de M. Aubépin, page 10.)

2. Notice de M. le comte Portalis, page 11.