Poussière du passé : (notes et tableaux d'histoire)

LES MÉMOIRES DE GUERRE 165

retraçant, il nous donne une sensation de vérité, dans les portraits surtout, que nous ne retrouvons pas au même degré chez son rival.

Dans sa passion à reproduire tout en grand, Marbot est souvent hors nature. On doute, à le lire, de l'exactitude de ses affirmations, et lorsqu’on peut, documents en main, les contrôler, on constate quelquefois qu’il a exagéré. D'autre part, pour ce qu’il n’a pas vu, ils’en est trop fié à ce qu'on en disait autour de luiet il a le tort de le présenter comme s’il l’avait vu. Je n’en citerai qu’un exemple. En 1812, un employé du ministère de la guerre fut arrêté et fusillé, convaincu d’avoir vendu aux Russes des pièces relatives à l'expédition de Russie. A en croire Marbot, lorsqu’on l’arrêta, il avait sur lui les trois cent mille francs, prix de sa trahison; il comptait même les billets de banque. Or, la vérité, c’est qu'il résulte de l’instruction judiciaire conservée aux Archives de France qu’on lui avait promis en tout et pour tout cinq mille francs. Ce n’est rien cela, si vous voulez. On y saisit tout au moins, et sur le vif, la preuve que Marbot exagère et dénature,à son insu d’ailleurs et sans le vouloir,

entrainé par son imaginalion romanesque.