Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, page 233

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trouvèrent, dans quelques-uns de leurs collègues, des hommes plus propres qu’eux-mêmes à l’accomplissement de leurs desseins. Je veux parler des députés de la Gironde, et particulière- . ment de Vergniaud, Guadet et Gensoné. Sans doute, en observant la marche rapide, et les succès continuels des orateurs de Vassemblée constituante, ils s'étaient souvent dit avec amertume : on ne nous laïssera rien à faire. Mais quand ils virent qu’on avait manqué l’occasion d’établir la république, ils crurent avoir une tâche digne d’eux. Gensonné était le moins brillant des trois; il avait un penchant à la réflexion qu’il associait aux ressources de l'intrigue ; il avait, dans le ton, dans le style et dans les manières, ce genre froid et didactique, qui sert souvent dans les assemblées à donner aux propositions les plus hardies, l'apparence de la sagesse. Du reste, habile en expédiens, opiniätre, et ne montrant jamais , au milieu des chocs les plus violens, que l’ébranlement arrivât jusqu’à son ame. Avec plus de feu, plus de souplesse, et doué éminemment de Vesprit d'à-propos, Guadet secondait encore mieux les espérances d’un parti révolutionnaire. Il n’était jamais plus redoutable à ses adversaires, que quand il sortait de la question proposée. Il connaissait l'art de faire des appels aux passions secrètes d’une assemblée. Les sarcasmes amers et les apostrophes violentes, étaient ses armes favorites. IL portait tant d’adresse dans la discussion, qu’on pouvait l’accuser de perfidie. Vergniaud était l’orgueil de cette députation célèbre. Il avait toutes les qualités de l’orateur , et n’aÿait en rien celles de l'homme d'état. Son caractère était passionné par moment, mais penchait naturellement vers l’indolence. Chef d’un parti populaire, il ne prostituait point à sa faveur la dignité de sa mission. Il entraînait des ames grossières par un charme ordinairement peu senti d’elles.

Autour de ces hommes, se groupèrent, en parti, dans l’assemblée législative, leurs collègues du département de la Gironde, presque tous dintingués par de l’habileté et de l’ardeur, et tous ceux qui, par rigidité de principes, ou par les calculs de leur ambition, croyaient devoir être ennemis de la cour. Leurs fautes vinrent et de trop d’opiniâtreté à suivre leur première pensée , et de trop d’imprévoyance à se rendre maîtres des événemens qu'ils suscitèrent, et ne purent bientôt plus diriger.

On vit se présenter à la société des jacobins, un grand nombre de nouveaux députés. Le parti de la Gironde venait comme pour saisir cette importante domination, Robespierre lobtint. Son hypocrisie avait été si profonde, que plusieurs de ses ennemis le regardaient alors comme un fou vertueux. La nature l'avait disgracié , même pour le rôle de tribun. Il était sans