Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, page 232
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de placer leurs noms sur des listes de proscrits , et qui cessaient de voter en hommes sincères, parce qu’ils ne pouvaient agir en hommes courageux. :
Les adversaires qui s’élevaient contre eux n’étaient pas à dédaigner. Au premier bruit de la fuite du roi, le cri de la république avait retenti d’un bout de la France à l’autre. Quand on apprit que le roi était ramené en captif, on eut de la peine à étouffer ce cri. Parmi les patriotes mêmes, qui témoignaient de l'éloignement pour le délire démagogique et les fureurs populaires, il s’éleyva une division. Quelques-uns s’obs. tinèrent à penser que la république était bonne à établir dans ce moment , sur les débris d’un irône abandonné, d’un trône auquel, suivant leur opinion, nul effort humain ne pouvait rendre de la gloire, ni de la solidité. La force déployée au Champ-de-Mars , ne produisit, parmi les républicains qu’une terreur de quelques jours. Elle fit naître, dans leurs cœurs, le désir de la vengeance ; ils approchaient du moment de l’exercer. Les deux premiers promoteurs de la république, furent Condorcet et Brissot. Le premier exercait, depuis quelques années” une sorte de suprématie au milieu des philosophes. 1 était le conservateur de leur doctrine; la nature de ses talens n’eût pas suffi, pour qu’il en fût un des premiers propagateurs. Il s'était consacré à cultiver les sciences, dont il cherchait à appliquer les résultats au bien de la société, et à cultiver de vieillesetrespectables amitiés. Ses nouvelles opinions lui firent abandonner ces premières sources de son bonheur et de sa réputation. Il était fait pour donner à un parti politique, plus de considération qu’il n’en pouvait recevoir. Ses mœurs étaient douces, mais il était capable d'un ressentiment obstiné. On l'avait appelé un volcan couvert de neige. Je ne sais s’il dirigea beaucoup les inttigues secrètes de son parti, maïs il le servit d’une manière très-active, par des écrits polémiques, où le Sarcasme était lancé avec plus de violence qu’il ne convient à un philosophe.
Brissot n'avait pas, comme ce dernier, un nom considéré dans l'Europe, ni les mêmes titres pour les mériter. Sa vie, assez errante, avait fourni à ses détracteurs, une occasion de le charger de mille inculpations. Avec un travail infatigable, il avait fait, particulièrement sur la politique, une multitude d’écrits peu distingués. Il saisit avec avidité l’occasion de sortir d’un rôle obscur..ll avait plutôt de la finesse dans ses vues, que de la grace dans l'expression. Son ame avait aussi plus de chaleur qu’elle n’en exhalait. Il voulait fortement la république, il la voulait avec la plus douce des révolutions, il y fut conduit avec la plus sanglante.
Condorcet et Brissot entraient à l'assemblée législative , ils
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