Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3, page 237

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avaient appelé d’atroces vengeances. L'assemblée constituante avait réprimé les unes, sans pouvoir également contenir les autres. D’affreux souvenirs étaient réveillés, entreles catholiques etles protestans ,etalimentaient des fureurs nouvelles. Les protestans étaient presque tous partisans de la révolution. Plusieurs aspiraient à la république. Leurs ancêtres, au temps même de Coligni, exprimèrent souvent ce vœu. Comme ils comptaient parmi eux beaucoup d'hommes industrieux et opulens, ils ne provoquaient point les désordres; mais, rangés dans le parti populaire, ils ne pouvaient pas toujours en arréter les excès. L'esprit républicain dominait à Marseille, On n'y parlait que du bonheur et de la gloire des antiques Phocéens, fondateurs de cette ville. Cette ville était d’ailleurs jalouse d’enlever à Paris, la gloire de conduire par ses mouvemens la révolution. Nîmes, Montpellier, moins agitées, étaient à-peu-près dans le sentiment de Marseille. Bordeaux était fière des députés qu’elle avait envoyés à l'assemblée législative, elle connaissait leurs intentions, et les secondait de ses vœux. Lyon, moinsamie de la révolution , ne lui opposait cependant pas une résistance ouverte. Elle paraissait portée à se reposer dans l’ordre constitutionnel. Arles était en proie à une affreuse anarchie ; Avignon répandait autour d’elle la contagion de ses fureurs et de ses. crimes.

Les symptômes étaient moins alarmans au Nord et à l’Estde

la France. L’ardeur révolutionnaire y était concentrée dans

les clubs, et ne trouvait pas encore son explosion. Il y avait dans les villes, moins de modération que d’inertie. La lassitude était extrême dans les campagnes. Les paysansmontraient peu de reconnaissance pour les bienfaits de la révolution, dont eux seuls commencaient à jouir. Ils avaient formé, contre les assignats, une sorte de ligue qui donnait une progression rapide à leur discrédit. Mais ce qui avait le plus contribué à refroidir leur zèle pour la révolution, c'était ce malheureux schisme qui fut donné à la France, par l'assemblée constituante. Des prêtres rentrés tout-à-coup dans la pauvreté, et l'offrant comme le prix de leur fidélité à la discipline de l’église, acquéraient sur l’esprit du peuple une influence redoutable. Inspirés ou par le ressentiment de leursintérétsblessés, ou par le zèle de la foi, ils agitèrent particulièrement les campagnes qui se trouvaient le plus éloignées des communications avec les villes. La Bretagne, qui s’était livrée aux plus grands excès contre les nobles, commençait à embrasser la cause des prêtres. Le département dela Vendée nourrissait déjà legerme de la guerre civile, qui a fait la longue désolation dela France.

Pour achever le tableau delasituationintérieure dela France, après l’assemblée constituante, il faudrait rassembler en-